BABE, YOU'RE SAFE HERE (mezzevi)

Les rayons du soleil viennent éclairer le visage de Levi alors qu’un bâillement un peu forcé le tire de son sommeil. Ses yeux s’ouvrent doucement, alors qu’il contracte ses muscles ciselés, et tente de se retourner ; ses hanches butent contre un obstacle. Un blocage chaud, dont la respiration vient chatouiller son cou ; une odeur assez familière, sans qu’il puisse pour autant l’associer à une quelconque identité. Un client ? Un ami ? Un pur anonyme ? Des maux de tête viennent faire taire les questions.

Il referme alors les yeux, se laissant happer dans un sommeil profond ; le passage des heures sera le seul à pouvoir éclaircir le mystère du corps inconnu plaqué contre le sien ; pour l’instant, Levi va juste profiter de la chaleur se mêlant à sa froideur.

Le bruit d’une voiture accélérant au dehors tire Mezzo d’un profond sommeil ; sentant un corps allongé contre le sien, bien trop ferme, bien trop musclé, pour être celui d’une conquête féminine, il a un mouvement de recul, un sursaut affirmé. Trop de flou dans les yeux pour se rappeler les événements de la veille, trop d’alcool dans le sang encore pour pouvoir s’expliquer comment ses bras se sont retrouvés là, enroulés autour d’un homme dont les cheveux blonds, l’odeur salée, ne peuvent être que ceux de celui qui a obnubilé chacune de ses pensées ces derniers temps.

Il n’ose pas bouger. Les heures passent dans le cadran du réveil, et finalement, il se décide. Faisant osciller son corps sur le côté, il tente de se dégager des draps, pour prendre la fuite.

Levi se redresse brusquement, sentant un mouvement contre lui ; ses yeux grossissent lorsqu’il reconnaît le visage de l’autre. « Francesco ? » Une voix grave, rauque, muée par la fatigue, les joints de la veille ; des sonorités qui ne peuvent cependant atténuer sa surprise, son choc, mais aussi la joie qui bouillonne en lui, faisant voleter mille et un papillons près du seul bout de tissu qu’il porte encore. Il se balance un peu sous les draps, cachant son corps au mieux, gêné de la situation. « Mais qu’est-ce que tu fais ici ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Face à la bosse dans le caleçon de son camarade d’une nuit, il lui lance un coussin.

Et merde. Il s’est réveillé. Mezzo se tend en voyant le regard du jeune blond sur son intimité -la foutue gaule matinale, ou peut-être juste la réaction naturelle face aux bouts de peau qu’il a pu voir avant que Levi ne remonte le drap. Il se saisit du coussin, le place entre les yeux de son interlocuteur et sa chair, puis s’assoit au bout du lit, lui tournant le dos. « J’espère qu’il ne s’est rien passé du tout. Au moins… on est encore habillés. C’est déjà ça. » Il soupire, et en même temps il ne parvient pas à faire taire la voix dans sa tête qui se réjouit d’être ici, en compagnie de celui qui le hante depuis quelques semaines. Un simple baiser, qui avait déclenché trop de sentiments en Mezzo, un bouillon qui l’avait fait le rejeter, l’avait poussé à essayer de l’oublier ; sans succès évidemment, à en croire ce réveil aux côtés de sa si jolie silhouette. « Et comment tu connais mon prénom déjà ? » Un sourcil arqué, une incompréhension.

Une gène qui flotte dans l’air, indiscible, pourtant si pesante sur les épaules tourmentées par la soirée passée. Vraisemblablement, Mezzo n’a pas changé ; il refoule toujours ses attirances. Levi est brusquement irrité, d’une réaction épidermique qu’il tente de chasser d’un mouvement de main dans les airs. « Oui. C’est déjà ça, comme tu dis. » Il se dégage des draps blancs, se levant, enfilant un sweat et un short. « Tu veux des vêtements, ou un café ? J’ai super mal à la tête. » Ignorer la question précédente, la remplacer par une cascade d’informations pour noyer le poisson. Il ouvre la fenêtre de sa chambre, jetant un regard aux rails sous son immeuble, au tram qui au loin avance. Un bon chocolat chaud ; il en a super envie maintenant.

L’envie folle de Mezzo de quitter les lieux est complètement bloquée par ses maux de tête, son mal de ventre et cette douleur musculaire qui le taraude, ne lui laissant pas une seconde de répit depuis son réveil, il y a quelques minutes déjà. Ne pas s’attarder, certes, mais attendre au moins que le flou ait quitté ses yeux, qu’il ait complètement recouvert ses esprits. Il se laisse aller à un léger écart, enfilant un pull et un short de son acolyte. « Je vais prendre un chocolat chaud, si t’en as. Sinon, un café fera l’affaire. » Il sort de la chambre, se risque à quelques pas dans la pièce voisine, une cuisine américaine lumineuse qui l’éblouit un peu. Mezzo avance encore un peu, trouve refuge sur un tabouret haut. « Faut pas qu’je tarde, en tout cas. » Une phrase pour lui-même plus que pour Levi, une bouée de réconfort.

Levi voit son amant rêvé fouiller dans les placards, en sortir un pull blanc, un sweat gris, les enfiler, et il ne peut réprimer un grand sourire ; le voir porter ses vêtements lui procure une sorte de joie infime, l’illusion brusque que tout devient possible, vous savez, ce bonheur de voir un indice d’un amour éventuel dans une action de l’être aimé. « Va pour un chocolat chaud alors. » Double plaisir -il en rêvait aussi de ces effluves chocolatées. Il passe le deuxième dans sa cuisine, prépare deux chocolats, avec énormément de poudre, comme il les aime, y glisse un carré de chocolat blanc, son secret, puis met le tout à chauffer. Se retournant, appuyé sur le comptoir, dans l’attente du bip traditionnel de micro-onde, il regarde Mezzo, détaillant chaque trait de son visage, ne sachant quoi dire, ne cherchant même plus. Le silence n’est pas si pesant, tout compte fait.

La douceur des odeurs de cacao vient se mêler à une autre odeur plus douce encore, celle du parfum sur les vêtements empruntés, mélange savant d’épices et de sel qui viennent caresser les narines de Mezzo, lui inonder l’esprit, tant et si bien qu’il reste noyé dans ces effluves quelques instants, inconscient du monde extérieur. Il lève brusquement les yeux, se rendant compte qu’il est observé, mais, pas forcément gêné, se contente d’un sourire fin. « Je crois que ça a sonné… Tu devrais les sortir. » Alors que son hôte se retourne pour prendre les boissons, il se laisse aller à un regard sur sa silhouette, sur la ciselure de ses muscles saillants, sur le grain de la peau, sur les différentes formes prises par le corps ; indubitablement, il lui plaît. Et si ce n’était que ce garçon-là ? Pas forcément homosexuel, le Vafani, si seul un homme fait céder toutes ses barrières… Si ? Une foule de questions encore. « Merci. »

Absorbé dans la contemplation de son invité, ébahi devant la réalité d’un rêve qui s’était finalement illustré après de longues semaines d’attente, Levi avait complètement ignoré la sonnerie stridente du micro-ondes. Quand Mezzo le lui fit remarquer, il se retourna rapidement, le rouge lui montant aux joues, sortit les deux chocolats et en tendit un à l’Italien. « Tiens. Bon appétit ; j’ai ma recette secrète, tu devrais aimer. » Un grand sourire, qui fut vite surmonté d’une moustache chocolatée, ses lèvres ayant aspiré quelques gorgées du délicieux liquide. « Miam. » Un faible rire, troublant le silence apaisé qui s’était installé les dernières minutes.

Le blond ne lui avait pas menti ; c’était de très loin le meilleur chocolat chaud qu’il n’ait jamais pu goûter. Y avait là une fragrance délicate, un arrière-goût qu’il ne parvenait pas à s’expliquer ; c’était peut-être du caramel, ou du chocolat blanc ; sinon, sans doute la compagnie délicate de celui qui l’avait obsédé ces derniers temps. Le hasard était tout de même joueur ; les placer tous les deux sans aucun souvenir de la veille, dans un lit, presque dénudés, puis leur faire prendre un petit-déjeuner rudimentaire mais divin ensemble, c’était particulièrement cocasse. « Effectivement, c'est pas mal du tout. Enfin… Si c’est secret, je ne pense pas pouvoir te retirer la recette, si ? » Un sourire, le premier depuis quelques minutes, sincère, large, égayant tout le visage de Mezzo.

C’était étrange, comme sensation, de se retrouver face à ce dieu vivant, qui quelques instants plus tôt était à poil dans son lit, sans se rappeler de quoi que ce soit ; les phrases qu’ils s’étaient adressées, peu nombreuses, étaient banales ; mais ce dernier assemblage de mot sur la recette du chocolat chaud était étranglée elle sonnait un peu comme de la séduction, un jeu que Mezzo aurait voulu instaurer ; peut-être qu’il s’était un peu ouvert l’esprit ces derniers temps ? C’était difficile à dire. Toujours est-il que Levi voulut tenter lui aussi ce flirt, jouer un peu avec ce drôle d’invité. « Va savoir… J’ai mes failles. Je parle facilement sous la torture. » Un rire, lui aussi, tandis qu’il finissait son chocolat chaud d’une traite, essuyant du revers de la main la tâche marron sous son nez.

Mezzo était surpris par la tournure des évènements, pas vraiment mal à l’aise pour autant ; y avait une sorte de drôle de chaleur dans le creux de son ventre, une sorte de voix dans un coin de sa tête lui criant de continuer ce flirt hasardeux. Après tout… Il n’y avait peut-être pas tant de mal que ça à se faire tant de bien ? Ça valait le coup de tenter, rien que pour se mettre les idées au clair, être sûr de ce qu’il faisait, de vers quoi il se dirigeait sexuellement parlant. « Ah oui, des failles ? Et à part mon corps de rêve… Je n’en connais aucune. » Un grand sourire, finissant lui aussi son chocolat chaud, posant sa tasse blanche sur le rebord de l’évier. Il s’étira, le mouvement soulevant par la même son pull, dévoilant la naissance de ses muscles ; les dents dehors, son sourire grandit encore.

Selon toute vraisemblance, c’était bel et bien une séduction qui se jouait entre eux ; évoquant son corps, dévoilant par là ses muscles saillants, Mezzo cherchait bien à enrouler à nouveau ses bras autour de Levi ; il en était complètement persuadé. Il n’y avait donc aucune gène pour le jeune blond à rentrer dans ce jeu ; il ne s’était après tout jamais caché de son désir pour l’Italien. Avançant vers l’évier, il rinça les deux tasses, se passant une main mouillée sur le visage, se recoiffant par le même geste. Il se retourna lentement, en profitant pour jeter de l’eau sur l’autre ; c’était l’opportunité de revoir à nouveau cette peau basanée qui lui plaisait tant. « Tu penses réellement être ma faille alors, Francesco ? Intéressant… » Un grand sourire, lumineux, dans le but de le faire douter de son raisonnement.

C’était bizarre mais pas déplaisant cet érotisme flottant ; ils avaient chacun ce sourire finement dessiné, du bout de la plume, mélange de béatitude face au moment présent, de gêne, puisqu’après tout ils ne se connaissaient pas vraiment, et d’excitation, parce que les mots y étaient propices et que c’était un peu comme explorer l’inconnu, cette discussion chocolatée. « Evidemment que je suis ta faille. Cette nuit le prouve bien… Enfin, tout le laisse à penser. » Un nouveau sourire, plus large, pour Mezzo ; il avait l’esprit compétiteur et il escomptait bien gagner cette entrevue.

Levi ne parvenait pas à s’expliquer comment on était passés de ce réveil bancal et complètement foireux à une discussion sensuelle, pleine de séduction. Peut-être que Francesco avait fait le point dans sa tête, s’était fait à l’idée d’aimer les hommes ? Drôle de question, pas facile à résoudre ; il ne pouvait pas lui demander tout de go. C’était en tout cas ce que ses mots laissaient penser… Mais il préférait ne pas se faire de fausses idées. Ne pas précipiter les choses ; le rouge lui montait aux joues. « Je vais aller prendre une douche. Tu fais comme chez toi. Fouille dans les placards si t’en as envie, mets-toi la télé, en gros fais ce que tu veux. A plus Francesco ! » Une fausse joie, le besoin irrémédiable d’une douche froide pour se calmer et réfléchir ; il ne voulait rien foirer, Levi voulait faire les choses bien.